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DFA α1 et seuils ventilatoires nouvel outil ou imposture ?

Par : Johan Cassirame - Catégories : Actualités

En 2020, une nouvelle méthode non invasive pour déterminer le premier seuil ventilatoire (VT1) a fait son apparition dans la littérature scientifique. Cette méthode, développée par Bruce Rogers et ses collaborateurs, repose sur un indicateur non linéaire de l'analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque, la DFA (Detrended Fluctuation Analysis), et plus spécifiquement sur le paramètre α1 (Rogers et al., 2020). Bien que son approche soit techniquement complexe, plus de 30 articles scientifiques en ont fait l’éloge, vantant son intérêt pour l’entraînement ou la réadaptation des patients (Rogers et al., 2021; Rogers et al., 2021). Par la suite, une méthode similaire a été développée pour déterminer le second seuil ventilatoire (VT2) à l'aide du même paramètre.

Rapidement, des entraîneurs et techniciens séduits par ces indicateurs et par le faible coût de la méthode l'ont adoptée dans leurs activités, allant même jusqu'à demander à leurs athlètes de charger des scripts Python dans leurs compteurs de vélo pour une utilisation en temps réel. À ce stade, il est important de noter que nous manquons encore de recul sur cette méthode, et que les preuves accumulées dans la littérature restent relativement limitées.

Tout d'abord, l'analyse des articles rédigés par les concepteurs de la méthode révèle des limites d’agrément larges (en moyenne, ±15 battements par minute dans le meilleur des cas), rendant la détection précise des seuils ventilatoires peu pertinente. Cependant, les conclusions de ces articles suggèrent le contraire, jugeant cette précision suffisante. Cela s'explique en partie par les méthodes statistiques employées, telles que les coefficients de corrélation, les coefficients de concordance intra-classe (ICC) ou les ANOVA, qui ne montrent pas de différences significatives. Ces approches statistiques sont inappropriées pour ce type d’étude comparative, comme démontré dans de nombreuses recherches antérieures (Haghayegh et al., 2020).

De manière plus surprenante, les auteurs de ces études ont eux-mêmes publié des travaux exposant plusieurs problèmes fondamentaux de la méthode.

Premièrement, la précision des outils de mesure de l’intervalle R-R est insuffisante pour obtenir une estimation robuste de la DFA α1. Cet indicateur non linéaire est fortement influencé par les erreurs de mesure, particulièrement en situation d'effort, et peut s'écarter de manière significative en présence d’artefacts (Cassirame et al. 2019; Rogers et al., 2022; Rogers et al., 2021b; Schaffarczyk et al., 2022).

Deuxièmement, la DFA α1 est influencée par de nombreuses variables liées à l'exercice, telles que la fréquence respiratoire ou la cadence de pédalage ou de course (Gronwald et al., 2018).

D’un point de vue physiologique, la signification de la DFA α1 reste difficile à cerner. À ce jour, aucune étude ou consensus n'a établi de lien avec un mécanisme physiologique sous-jacent qui expliquerait sa relation avec les seuils ventilatoires. Mathématiquement, ce paramètre représente l’autocorrélation à court terme d’une variable, souvent interprétée comme une mesure de la prévisibilité du signal à court terme : le signal est-il purement aléatoire ou prévisible ? Pour calculer cet indicateur, de nombreux paramètres doivent être définis, comme documenté par les auteurs sur la base du logiciel Kubios, une référence pour l’analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque (Kubios Oy, Kuopio, Finlande). Or, le choix de ces paramètres ne repose sur aucune preuve scientifique ou lien physiologique solide.

Face à ces incertitudes et nos propres difficultés, ainsi que celles de nos collègues, à reproduire la méthode, nous avons décidé d’élargir son application afin d’obtenir une perspective plus objective. Nous avons testé ce protocole sur 58 cyclistes de bon niveau (18 femmes, 38 hommes) et comparé les données obtenues avec la DFA α1 (fréquence cardiaque, puissance et VO2 à VT1 et VT2) avec celles obtenues par la méthode de référence des échanges gazeux.

Les résultats que nous avons obtenus concordent avec la littérature existante : les intervalles de confiance entre les valeurs de la méthode de référence et celles de la DFA α1 sont très larges, ce qui rend impossible toute utilisation clinique précise pour l’entraînement des athlètes ou des patients. Par ailleurs, un pourcentage notable de tests (17,8 %) n’a pas pu être interprété en raison d’un nombre excessif d’artefacts 

(>3%) ou de courbes de DFA α1 ne suivant pas la tendance attendue. Ce taux reste relativement modeste, certaines études rapportant jusqu’à 48,3 % de résultats rejetés (Van Hooren et al., 2023; Van Hooren et al., 2023).

Sur la base de ces résultats et des nombreuses études sur le sujet, il est essentiel de considérer cette technique avec précaution, malgré son faible coût. La simplicité d'utilisation ne reflète pas la complexité des concepts mathématiques et physiologiques qui la sous-tendent.

Représentation des variables individuelles pour chaque athlète avec la méthode des échanges gazeux (à gauche) et la méthode DFA α1 (à droite). Les barres noires verticales représentent les moyennes et les écart-types pour chaque méthode. 

Pour plus d’information sur notre étude :

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